Ce blog rassemble en désordre des textes d’humeur et de réflexions, personnelles et politiques, de Sandra Regol, secrétaire nationale adjointe d’EELV.
La politique est avant tout une question de valeurs, mais elle s’exprime à travers des choix. Voter, c’est trancher, mettre en place une politique locale plutôt qu’une autre, c’est trancher, choisir de s’engager pour porter dans un collectif plutôt qu’un autre des valeurs, c’est également trancher. Et quand bien même ce choix est fait, la gestion des orientations internes reste également une affaire de choix.
Lorsque l’on naît à la campagne, que l’on grandit dans la nature, que la construction de son habitat se pense en lien avec l’espace dans lequel il s’insère ; quand produire son alimentation est un métier familial et qu’il ne se conçoit que sans intrants pour ne pas perturber le cycle naturel qui permet son élaboration, on ne se pose pas la question de ce qu’est l’écologie : on la vit. Nommer des pratiques, conceptualiser leurs usages comme pratiques à généraliser ne vient que bien après, à l’âge adulte, quand se pose la question des choix personnels et des choix de vie.
C’est à ce moment là que font sens les liens entre pauvreté et accaparement des sols, entre santé et traitements des cultures, entre faire ensemble et exclusions. Oui : tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir des parents écologistes.
Il m’aura fallu plus de 30 ans pour passer de l’évidence à la politique, pour conceptualiser que des préceptes simples pouvaient devenir des leviers pour le collectif, pour comprendre que c’est avec beaucoup de très peu que l’on peut renverser l’ordre établi. Il m’aura fallu 6 ans de militantisme, d’expérimentations, d’erreurs et, parfois, de renoncements, pour comprendre que le rôle du politique, ce rôle qui m’attire tant, est celui du passeur, et non de l’éclaireur au sens des Lumières.
Si l’on devait résumer le sentiment général de celles et ceux qui aujourd’hui, las des jeux politiques, s’indignent en occupant les rues, ce serait l’injustice. L’injustice d’un système (santé, éducation, justice, etc.) appauvri et appauvrissant. L’injustice d’une société qui sanctionne les voleur-es de tickets de réduction et protège ceux qui étalent en toute impunité leurs fortunes mal acquises dans les paradis fiscaux.
Ce sentiment d’injustice, c’est celui qui m’a conduit des manifestations lycéennes à EELV, en passant par la rencontre, décisive, d’une femme qui avait décidé de dire non à ceux qui croyaient pouvoir agir en toute impunité : Eva Joly. Une rencontre puis des rencontres : celles de ces militant-es, ex-Vert-es, associatif-ves, citoyen-nes, las-ses d’attendre que la solution vienne d’en haut. Des rencontres qui finissent de convaincre que l’on n’est jamais bon tout seul mais qu’on le devient quand on sait écouter, partager et travailler collectivement pour un même projet.
Cette envie de faire ensemble, cette pratique du faire ensemble, c’est ce que fait un parti, ce collectif plus très à la mode qui permet pourtant aux presque-rien de se former pour faire ce qu’elles et ils peuvent avec ce qu’elles et ils ont. Cette passion du rôle de passeuse, du rôle de booster, bien plus riche que celle de la figure de proue, c’est celle que je tente de mettre en pratique pour EELV, au sein d’un exécutif capable de penser le parti politique de demain : celui qui assume d’être qu’un outil (comme la bêche l’est pour le champs), collectif, au service d’un changement global, celui d’un collectif qui assume d’être l’allié des luttes, dans l’écoute et la co-construction, au cœur des territoires.